top of page
albinetertre

Pourquoi un bricolage éphémère en art-thérapie contemporaine?

Dernière mise à jour : 4 sept. 2023

Effectivement, l'art-thérapeute contemporain ne propose pas un atelier de fabrication, il ne donne pas les moyens de réaliser un objet fini susceptible, donc, d'être ramené chez soi : pas de colle, de scotch, d'agrafes, etc...


Il conçoit la séquence art-thérapeutique pour que toutes les chances soient laissées aux processus psychiques de se déployer et pour que rien ne vienne les « éteindre », comme la finalisation par un objet concret et, ce qui s'en suit parfois : appréciation, commentaire et interprétation par autrui. C'est ce que dans l'idéal, l'art-thérapeute s'emploie à éviter : faire en sorte que la personne ne soit pas prise par le souci du « je dois pouvoir représenter, il faut que ça ressemble à quelque chose, il faut que je fasse, etc... », "quel sera le rendu, est ce que ce sera assez bien, et si ça ne plaît pas...". Et lorsqu'on l'expérimente soi-même, on se sent allégé, soulagé du poids des objectifs et pressions habituels et c'est un champ des possibles qui s'ouvre à la pensée, une pensée dont il n'est attendu ni bonne ni mauvaise réponse.

La réalisation n'est donc pas une fin en soi, seul comptent les processus psychiques mis en œuvre pendant la séquence. C'est un peu le combat, bien inégal, de l'invisible contre le visible, car tous ces processus nous échappent, néanmoins c'est en eux que se situe le bénéfice thérapeutique.


Tracés sur sable bleu et plume

Tracés dans du sable

à la pointe de la plume...







Par ailleurs, être dans l'éphémère permet de se rapprocher un peu du rêve, où on laisse les pensées advenir, se succéder sans penser à un aboutissement puisqu'il n'y a pas de notion d'objectif à atteindre. Pendant le processus de bricolage, tout ce qui se passe dans notre tête, tout ce qui se fait avec les mains n'est que transitoire, ne possède pas de contours bien définis, ne débouche pas sur une sorte de conclusion définitive. Il s'agit ici de redonner de la valeur à l'impermanence, redonner le goût des choses en devenir, des choses inachevées. Ces expérimentations favorisent une disposition à l'ouverture plutôt qu'à la fermeture.


Alors justement, l'éphémère c'est aussi l'ouverture « au pas comme d'habitude » car on peut se permettre d'essayer, de rater, de reprendre, et paradoxalement, malgré les contraintes posées par le dispositif, il offre la possibilité d'imaginer, avec de nouveaux degrés de liberté, ce que l'on n'aurait pas envisagé autrement de faire avec le dispositif. C'est donc ainsi que la possibilité est donnée au patient de relancer sa créativité propre. "La créativité" sera le sujet d'un prochain post.


Souffler avec une paille de bambou sur du sable

Une paille en bambou, un souffle

puis une dune se déplace

et sous le sable

la couleur d'un papier de soie







Dans l'après-coup des séances, la psyché ne prenant pas de repos, les processus de symbolisation peuvent être facilités et conduire à regarder ses problématiques avec plus de distance et sous d'autres angles. Tout comme un sportif fait ses assouplissements, pour mieux se mouvoir ensuite, les séquences art-thérapeutiques sont pensées pour permettre cet « assouplissement psychique » comme disait mon directeur de formation, Jean-Pierre Royol.


Poisson sur Buddha Board

Le Buddha Board utilisé en graphothérapie

se prête naturellement aux jeux de l'éphémère.

Un "papier", un pinceau et de l'eau...











Poisson et algues sur Buddha board

puis ça s'évapore.


Le poisson déjà s'évanouit, le temps

de faire pousser les algues.







Et pour finir (mais ce n'est jamais vraiment fini...), laisser derrière soi ce que l'on a bricolé, parfois fébrilement, ouvre à la séparation "subjectivante". Je me sépare de cet objet « pas fini », donc rien n'est clos, l'élaboration en pensée peut se poursuivre, consciente et inconsciente. Ce qui importe ce sont les traces psychiques et non matérielles, qui elles, figeraient le processus. "Mieux penser, et par soi-même" ce qui nous arrive dans la vie, permet d'aller mieux.


A noter que parfois, pour certaines personnes avec des problématiques particulières, faire avec l'éphémère peut les plonger dans une situation critique. Aussi, l'art-thérapeute doit pouvoir aménager des solutions ouvertes, tout en conservant la proposition d'un bricolage «décalé » et il ne peut s'opposer à la volonté d'un patient qui viendrait tout à coup à vouloir emmener avec lui ce qu'il a "fait". L'art-thérapeute ne suit pas une recette, et ce qui advient dans une séquence art-thérapeutique peut lui servir à élaborer d'une autre manière la séquence suivante tout en restant dans l'éthique de l'éphémère.

8 vues0 commentaire

Comentarios


bottom of page